De nombreux parents souhaitent acquérir un bien immobilier avant d’en donner la nue-propriété à leurs enfants. L’un des objectifs est d’atténuer autant que faire se peut la charge fiscale qui accompagnera la transmission de leur patrimoine à leur décès. Décryptage de notre expert Philippe Van Steenlandt, docteur en droit et notaire associé.
Pour des parents, l’anticipation de la transmission d’une partie de leur patrimoine, à condition qu’elle s’inscrive dans le cadre d’une stratégie réfléchie et adaptée à leurs souhaits, configuration familiale et composition patrimoniale, est en effet particulièrement indiquée. En revanche, le choix d’acquérir le bien puis de réaliser la donation, n’est pas nécessairement la chronologie la mieux appropriée. Dans bien des situations, il sera préférable de donner avant d’acheter. Explications.
A. Avantages fiscaux
Toute donation par un parent au profit d’un enfant bénéficie d’un abattement de 100 000 euros tous les quinze ans, ce qui signifie que dans la limite de ce montant, la donation est exonérée d’impôt de donation. Ainsi, à titre d’exemple, un couple de parents peut donner à ses deux enfants une valeur de 400.000 euros sans aucun impôt de donation tous les quinze ans.
Cet abattement dit général s’applique quels que soient la nature du bien donné et l’âge des donateurs et des donataires.
Lorsque la donation porte sur une somme d’argent, un abattement supplémentaire peut être appliqué si l’enfant est majeur et si les parents ont moins de 80 ans. Le montant de cet abattement supplémentaire est de 31.865 euros par parent et par enfant. La donation de somme d’argent cumule donc deux abattements. Pour reprendre l’exemple précédent, les parents peuvent donner une somme d’argent de 527.460 euros sans impôt tous les quinze ans.
En outre, et c’est un élément à ne pas occulter, si une donation de bien immobilier est affranchie d’impôt de donation dans la limite de l’abattement, elle demeure toutefois assujettie à une taxe de publicité foncière et au salaire du conservateur, contrairement à la donation d’une somme d’argent.
Prosaïquement, la donation de somme d’argent permet donc de \"donner plus en payant moins\".
B. Avantage juridique
La donation d’une somme d’argent à plusieurs enfants peut, et même devrait, être réalisée sous la forme d’une donation-partage, de manière à cristalliser définitivement les valeurs données à la date de la donation. Un tel partage d’ascendant a notamment pour vertu de sensiblement limiter les risques de contentieux entre enfants au décès des parents. Précisons toutefois que seul un acte notarié permet de conclure une donation-partage.
En revanche, la donation d’un bien immobilier à plusieurs enfants ne peut en principe être effectuée que par le biais de donations simples. En fonction des investissements et réinvestissements réalisés par les enfants ultérieurement, des contentieux pourraient surgir dans le cadre du règlement de la succession des parents.
Nous l’aurons compris, la solution la plus judicieuse consiste à donner aux enfants la somme d’argent nécessaire à l’acquisition de la nue-propriété du bien immobilier au cœur du projet.
Cette chronologie suppose toutefois la disponibilité des fonds, immédiate ou à la suite de la vente préalable d’un bien par les parents.
Quoi qu’il en soit, cette stratégie est réservée aux immeubles de jouissance, à l’exclusion des immeubles de rapport, lesquels profitent d’autres modalités d’optimisation d’acquisition.
Donner donc. Mais combien ?
A. Donner
Puisque la donation porte sur la somme d’argent nécessaire à l’acquisition de la nue-propriété du bien par les enfants, il convient au préalable de déterminer la valeur de la nue-propriété dudit bien. Cette valeur dépend de celle de l’usufruit.
L’usufruit peut être évalué suivant une méthode économique reconnue par le juge, ou suivant un barème fiscal défini par le législateur. Le choix entre ces deux méthodes dépendra notamment du taux de rendement du bien et de l’âge des parents.
Le quantum de la somme d’argent à donner aux enfants est ainsi déterminé.
L’acte notarié de donation contiendra utilement certaines clauses telles qu’une obligation d’emploi afin de protéger les parents.
B. Acheter
Parents et enfants pourront ensuite respectivement se porter acquéreurs de l’usufruit du bien immobilier pour les premiers, et de la nue-propriété pour les seconds.
Il est fondamental de noter que l’acte d’acquisition doit être savamment rédigé pour éviter tout risque de remise en cause :
- par les enfants, qui pourraient, notamment au décès du premier parent, tenter d’inquiéter le second dans sa jouissance ;
- par l’administration fiscale qui pourrait essayer de remettre en cause la stratégie ainsi mise en place.
Il est primordial d’accorder une rédaction spécifique à l’acte d’achat.
Agir avant coûte moins cher que réagir après. Nous le savons, l’anticipation est mère d’optimisation.
Notons qu’une fois l’achat réalisé, les parents et les enfants pourront, suivant les cas et en fonction de la fiscalité de chacun (notamment l’IFI), s’entendre (ou être tenus en fonction des clauses de la donation), d’apporter le bien ainsi acquis en démembrement à une société civile. De cette manière, les parents conserveront, à la faveur de statuts rédigés en ce sens, les pleins pouvoirs sur le bien immobilier.
Source: www.lavieimmo.com
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